L'épaule instable

Entraînement par biofeedback des rotateurs externes dans le but d'un recentrage dynamique de la scapulo-humérale chez des patients souffrant d'épaule instable et/ou douloureuse.

Linda Saboe, B.P.T., M.C.P.A.
Judy Chepeha, Bsc.P.T., M.C.P.A.
David Reid, M.D., M.Ch.H., F.R.C.S.
Gary Okamura, M.D.
Michael Grace, Ph.D, P. Eng
The Glen Sather Sports Medicine Clinic, and the Division of Orthopaedics.
The University of Alberta


INTRODUCTION

L'instabilité antérieure et la compression du tendon du sus-épineux entre la tête humérale et la voûte acromiale (impingement syndrom) sont des pathologies fréquentes chez le sportif. Elles sont souvent dûes à des traumatismes violents, microtraumatisme de sur-utilisation ou déséquilibre musculaire. Traitées traditionellement comme deux entités cliniques spécifiques, il est maintenant admis qu'elles sont étroitement liées.

Il y a encore peu de temps, les programmes de rééducation mettaient l'accent sur le renforcement des sous-scapulaires, à qui l'on attribuait un rôle de sanglage actif dans la prévention de la sub-luxation antérieure de la tête humérale. TURKEL (1981) a démontré l'incapacité du sous-scapulaire à cette fontion en abduction-rotation externe. GARTH a rapporté que les forces de rotations internes contribuent au déplacement antérieur de la tête humérale. Ceci explique le taux important d'echecs des programmes traditionnels de rééducation.

Les travaux d'électromyographie de JOBE et PERRY ont permis d'identifier l'activité des rotateurs externes, particulièrement celle du sous-épineux comme stabilisateur dynamique en abduction et dans les mouvements d'élévation. Ce stabilisateur dynamique agit en prévenant les mouvements vers l'avant de la tête humérale dans la fosse glénoïdienne.

En 1988 un protocole de traitement utilisant un biofeedback EMG mono canal a été développé, suivi et évalué à l'Université d'Alberta. Ce programme de biofeedback EMG vise au perfectionnement de la coordination. Il permet l'enregistrement et la mise en valeur de l'activité des rotateurs externes. Le feedback visuel et acoustique instantané sur un mouvement spécifique contrôlé améliore la performance et permet une perception plus fine de la motricité. L'accent est mis sur le contrôle musculaire et non sur le renforcement. Ce protocole demande une participation active, des répétitions régulières, pour obtenir le contrôle de la stabilité de l'épaule.

UTILISATION DU SYSTEME DE BIOFEEDBACK MYOTRACTM EMG

L'EMG MYOTRAC est adapté au travail de contrôle des rotateurs externes. Le patient est informé par feedback visuel et acoustique de la réussite dans l'activité musculaire recherchée. Le capteur MYOTRAC amplifie le signal EMG à la source procurant un enregistrement excellent très sensible, à l'abri d'artefacts électriques. (figures 1 et 2)

PROGRAMME DE TRAITEMENT BIOFEEDBACK MONO CANAL

  1. Le postionnement des électrodes est important. Utiliser les électrodes triodes autocollantes. Le capteur est mis en place sous l'épine de l'omoplate. ATTENTION de ne pas placer les électrodes sur le deltoïde postérieur, le recueil de l'activité de ce muscle encourage le déplacement antérieur de la tête humérale. Le patient reste connecté à l'unité biofeedback pendant toute la séance. Pour un travail autonome au domicile, le thérapeute pourra repérer au marker-peau l'emplacement du capteur.


Figure 1. Inside Pannel settings


Figure 2. Threshold and Gain settings

  1. Pour déterminer le règlage de seuil et le niveau d'amplification du signal, placer le membre supérieur en flexion (antepulsion) de 70°, (échelle x1). Tourner le potentiomètre de seuil jusqu'à l'allumage de la diode jaune. Si l'activité est supérieure à 10µV, passer sur échelle x10 et recommencer la même opération.
  1. S'assurer que l'épaule est dans une position neutre non douloureuse. Connecter sur le mode "Cont" (continu). Le volume est réglé à un niveau sonore agréable (avec ou sans casque) . Le règlage de seuil est effectué comme précédemment. Apprendre au patient l'utilisation du feedback EMG visuel et acoustique, en faisant augmenter l'activité musculaire pour obtenir un dépassement de la diode jaune. Ceci est obtenu par un "raidissement" de la coiffe des rotateurs en position neutre pour faire glisser et soulever la tête humérale vers l'arrière (Figure 3). Ceci est un "point clé" et doit être réussi 100 fois (10 series de 10) avant de progresser vers les mouvements actifs. Les séries longues favorisent l'amélioration de l'endurance musculaire. Cette série est relativement fatigante et nécessite plusieurs séances avant de passer à la phase suivante.


Figure 3 - Apprendre la contraction en postion neutre

  1. Avec un réglage de seuil doublé par rapport à celui établi en phase 2, éduquer le patient à l'antepulsion, adduction, neutralisation de la rotation à 90-100°, coude en flexion (figure 4). Sur le mouvement d'antepulsion à 70-90°, demander au patient une mise en tension de la coiffe des rotateurs et modifier le règlage de seuil, afin de pouvoir aller aussi loin que possible dans la ziode de diode rouge. En cas de douleur, ou de sensation de sub-luxation, arrêter et reprendre avec une plus faible amplitude de mouvement, ou un réglage de seuil plus facile. Quand le patient peut réaliser avec succès 100 répétitions, progresser en augmentant le seuil ou l'amplitude du mouvement (figure 6).


Figure 4 - Le kinésithérapeute enseigne et contrôle le programme


PROGRESSION DE MOBILISATION

Quand le patient maîtrise chacun des niveaux précédents, les exercises suivants permettent une progression vers la situation d'instabilité maximale de la gléno-humérale.


Figure 5.

a) Antepulsion coude tendu.

b) Antepulsion avec augmentation de rotation externe.

c) Abduction coude en flexion progressant vers coude en extension.

d) Abduction coude tendu avec augmentation de rotation externe.

e) Abduction en antepulsion du moignon de l'épaule.

f) Abduction en antepulsion avec augmentation de rotation externe.

g) Capture d'objets derrière le dos ou au-dessus de la tête.

Lorsque cette progression de difficulté croissante a été réalisée, progresser vers le geste sportif et le travail des positions source de difficultés. Introduire des réceptions, des lancers, préparation externe à un retour graduel vers l'activité sportive spécifique (Figures 7 et 8).


Fig. 6.


Fig. 7.

AUTRES EXERCICES

En présence d'une faiblesse générale, rééduquer par résistance progressive appropriée. Introduire des poussers pour un travail du grand dentelé, le bras en adduction, et des exercises de rotation externe à l'élastique ou à la poulie.

EVITER tout exercise contre résistance, en position de compression du tendon du sus-epineux ( Figure 5). Toute activité non douloureuse est encouragée. Le programme demande 2 à 3 semaines d'activité encadrée par le kinésithérapeute, mais devra être prolongé par un entraînement autonome pour que soient maintenus les résultats. Il est souhaitable que le patient consulte régulièrement son kinésithérapeute pour des séances de contrôle.


Figure 8 - Activités progressives: rétablir la fonction

CONCLUSION

Ce programme encourage un travail de contrôle musculaire. Le renforcement, bien qu'important est secondaire. Un bon positionnement d'électrodes est capital. Le Biofeedback sollicite physiquement et mentalement, aussi des périodes de repos et des encouragements sont nécessaires. La progression doit être lente et sécuritaire. Une relation soignant-soigné privilégiée est indispensable à la bonne réalisation de ce programme.

RÉFÉRENCES

  1. Rowe CR: Factors related to recurrences of anterior dislocation of the shoulder. Clin Orthrop 20:21, 1961
  2. Garth W, Allman F. Armstrong W: Occult anterior subluxations of the shoulder in noncontact sports. Am J Sports Med 15:579-585, 1987.
  3. Reid D, Saboe L, Burnham R: Current research of selected shoulder problems. In: Donatelli R. (Ed.) Physical Therapy of the Shoulder. Churchill Livingston, New York, 1987
  4. Magnusson PB: Treatment of recurrent dislocation of the shoulder. Surg Clin N Am 25:14-20, 1945.5 Adams JC: Recurrent dislocation of the shoulders JBJS 30B(1) 26-38, 1948.
  5. De Palma AF: Factors influencing the choice of a modified Magnusson procedure for recurrent anterior dislocation of the shoulder. Surg Clin N Am 43: 1647-1649, 1963.
  6. Turkel S, Ithaca M, Panio M, et al: Stabilizing mechanisms preventing anterior dislocation of the glenohumeral joint. JBJS 63A:1208-1217, 1981.
  7. Rowe C. Zarins B: Recurrent transient subluxation of the shoulder. JBJS (Am) 63A:863-871, 1981.
  8. Hastings D, Coughlin L: Recurrent subluxation of the glenohumeral joint. Am J Sports Med 9:352-355, 1981.
  9. Simonet W, Cofield R: Prognosis in anterior shoulder dislocation. Am J Sports Med 12:19-24, 1984.
  10. McLaughlin HL, Cavallaro WU: Primary dislocation of the shoulder. AM J Surg 80:615-621,1950.
  11. Perry J, Anatomy and biomechanics of the shoulder in throwing, swimming, gymnastics and tennis. Clin Sport Med 2(2):247-270, 1983.
  12. Jobe F, Tibone J, Perry J, et al: An EMG analysis of the shoulder in throwing and pitching. Am J Sport Med 11:3-5, 1983.
  13. Gowen I, Jobe F, Tibone J, et al: A comparative electromyographic analysis of the shoulder during pitching. Am J Sport Med 15:586-590, 1987.

 

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